LOI N° 17/001 DU 08 FEVRIER 2017 FIXANT LES REGLES APPLICABLES A LA SOUS-TRAITANCE DANS LE SECTEUR PRIVE
EXPOSE DES MOTIFS La République Démocratique du Congo connaît depuis une décennie, une relance de son économie, principalement dans les secteurs des mines, des hydrocarbures, du bâtiment et des télécommunications. Cependant, cette relance ne s’accompagne pas d’un développement intégral attendu par le peuple congolais. En effet, un grand nombre d’investisseurs étrangers se sont intéressés à ces secteurs clés de l’économie nationale, soit directement par des entreprises filiales des multinationales, soit indirectement par des entreprises congolaises à capitaux étrangers. Elles exécutent à la fois les activités principales et les activités qui leur sont annexes ou connexes seules ou par des entreprises étrangères recrutées par elles. Cette situation ne laisse pas d’espace aux entreprises congolaises à capitaux congolais constituées essentiellement des petites et moyennes entreprises. Elle occasionne un manque à gagner au Trésor public, ne favorise pas la promotion de l’emploi des congolais et gène l’émergence de l’expertise nationale. La présente loi vise à rendre obligatoire la sous-traitance des activités annexes et connexes de l’activité principale et à la réserver, quelle que soit sa nature, aux entreprises congolaises à capitaux congolais en vue d’en assurer la promotion et favoriser ainsi l’émergence d’une classe moyenne congolaise. Elle poursuit la protection de la main-d’œuvre travaillant dans les entreprises de la sous-traitance, la création de l’emploi pour les nationaux et l’élargissement de l’assiette fiscale au profit du Trésor public. La présente loi trouve son fondement dans l’article 35 alinéa 2 de la Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée et complétée par la Loi n°11/002 du 20 janvier 2011 portant révision des certains articles de la Constitution de la République Démocratique du Congo.
Elle comporte sept titres : - Titre I : Des dispositions générales - Titre II : Des principes et conditions d’exercice de la soustraitance - Titre III : Des droits et des obligations des parties - Titre IV : Des éléments et du contrôle du contrat de la soustraitance - Titre V : Du régime social, fiscal, douanier, commercial et financier - Titre VI : Des sanctions - Titre VII : Des dispositions transitoire, abrogatoire et finale Telle est l’économie générale de la présente loi.
La présente loi fixe les règles applicables à la sous-traitance entre personnes physiques ou morales de droit privé. Elle vise à promouvoir les petites et moyennes entreprises à capitaux congolais, à protéger la main-d’œuvre nationale.
La sous-traitance concerne tous les secteurs d’activités, sauf dispositions légales régissant certains secteurs d’activités ou certaines professions. Elle porte sur les activités connexes, annexes ou sur une partie de l’activité principale. Elle peut prendre l’une des formes suivantes :
Au sens de la présente loi, on entend par :
La sous-traitance est un contrat d’entreprise, consensuel, onéreux et écrit. Il est prouvé par toute voie de droit.
L’activité de sous-traitance est libre sur toute l’étendue du territoire national, y compris dans les espaces maritimes sous juridiction de la République Démocratique du Congo. Toute entreprise est libre de sous-traiter dans le secteur de ses activités.
L’activité de sous-traitance est réservée aux entreprises à capitaux congolais promues par les congolais, quelle que soit leur forme juridique, dont le siège social est situé sur le territoire national. Toutefois, lorsqu’il y a indisponibilité ou inaccessibilité d’expertise énoncée à l’alinéa ci-dessus, et à condition d’en fournir la preuve à l’autorité compétente, l’entrepreneur principal peut recourir à toute autre entreprise de droit congolais ou à une entreprise étrangère pour autant que l’activité ne dépasse pas six mois ; à défaut, elle crée une société de droit congolais. Le Ministre sectoriel ou l’autorité locale en est préalablement informé.
Sauf dispositions contractuelles contraires, le sous-traitant peut soustraiter. Dans ce cas, le sous-traitant de second rang est soumis aux mêmes conditions de forme et de fond que le sous-traitant originel conformément à la présente loi.
Les relations entre le sous-traitant et sa main-d’œuvre sont régies par la législation du travail.
Pour être éligible, tout sous-traitant est tenu de :
Toutefois, une formation médicale même non commerçante est éligible à la sous-traitance si elle est constituée conformément à la loi.
Toute sous-traitance fait l’objet soit d’un appel d’offre, soit d’un marché de gré à gré. Elle se fait par appel d’offre lorsque le coût du marché est supérieur ou égal à cent millions de francs congolais. Dans ce cas, la publicité se fait par les moyens ci-après :
Elle se fait de gré à gré lorsque le coût du marché est inférieur à cent millions de francs congolais.
Est interdite, la sous-traitance de plus de quarante pourcent de la valeur globale d’un marché.
Toute entreprise installée sur le territoire national a l’obligation de publier annuellement le chiffre d’affaires réalisé avec les sous-traitants ainsi que la liste de ces derniers. Elle met en œuvre, en son sein, une politique de formation devant permettre aux Congolais d’acquérir la technicité et la qualification nécessaire à l’accomplissement de certaines activités.
Le contrat de sous-traitance précise notamment :
Deux ou plusieurs sous-traitants peuvent co-traiter. En cas de co-traitance, chacun des co-contractants est tiers aux contrats passés par l’autre avec l’entrepreneur principal et est responsable de ses propres prestations.
L’entrepreneur principal dispose d’un délai de quinze jours, à partir de la réception des pièces justificatives servant de base au paiement pour les revêtir de son acceptation ou pour signifier au sous-traitant son refus. Passé ce délai, l’entrepreneur principal est réputé avoir accepté tout ou partie des pièces justificatives qu’il n’a pas expressément et formellement refusées.
L’entrepreneur principal ne peut obliger le sous-traitant de préfinancer totalement le coût de l’opération ou de l’activité faisant l’objet de la sous-traitance. Il verse, avant le début des travaux, un acompte couvrant au moins les trente pourcent du contrat de sous-traitance. A la fin de l’opération ou de l’activité, un procès-verbal provisoire de réception est signé. Celui-ci ne devient définitif qu’après paiement par l’entrepreneur principal du solde endéans trente jours de remise de l’ouvrage à compter de la réception. A défaut dudit procès-verbal, la mise en service ou la viabilité de l’ouvrage suffit pour obliger l’entrepreneur principal de se conformer aux dispositions de l’alinéa précédent.
L’entrepreneur principal a l’obligation de payer au sous-traitant le prix de l’activité sous-traitée conformément aux modalités et conditions convenues. Il en est de même pour le sous-traitant originel vis-à-vis du sous-traitant de second rang. L’entrepreneur qui entend exécuter un contrat d’entreprise ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant par le maître de l’ouvrage.
Sans préjudice de la responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle, le sous-traitant est tiers au contrat passé entre l’entrepreneur principal et le maître de l’ouvrage.
L’entrepreneur principal ne peut céder ou nantir les créances résultant du marché ou du contrat passé avec le maître de l’ouvrage qu’à concurrence des sommes qui lui sont dues au titre des travaux qu’il effectue personnellement. Toutefois, il peut nantir l’intégralité de ses créances sous réserve d’obtenir, préalablement et par écrit, le cautionnement solidaire de soustraitants.
Font partie du contrat de sous-traitance par ordre de primauté dans l’interprétation des engagements des parties :
La convention définit les principales obligations contractuelles des parties. Le cahier des charges comporte les clauses administratives, les spécificités techniques, les conditions d’exploitation ainsi que les droits et obligations des parties dans la réalisation des travaux ou ouvrages et de la prestation des services. Les annexes sont constituées de toutes les pièces jointes à la convention et au cahier des charges et y sont mentionnées comme telles. Pour tous les éléments non prévus par la présente loi, le contrat de sous-traitance est soumis au droit commun.
L’autorité nationale, provinciale ou locale compétente, chacune en ce qui la concerne, est chargée du contrôle de la sous-traitance dans les entreprises sous-traitantes.
Sont nuls, quelle qu’en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui violent les dispositions de la présente loi.
Les entreprises sous-traitantes telles que définies par la présente loi, sont, au plan social, régie par la législation du travail. Sont interdits :
Est interdit tout débauchage du personnel du sous-traitant par l’entrepreneur principal ou par le maître d’ouvrage.
Les entreprises sous-traitantes restent assujetties à la législation fiscale et douanière.
Les paiements effectués au bénéfice des sous-traitants ou ceux effectués par ceux-ci au bénéfice des tiers, en rémunération d’un travail exécuté sur le territoire national, se font, de préférence, dans les banques ou autres institutions financières congolaises.
Les entreprises sous-traitantes souscrivent leurs assurances auprès des sociétés d’assurances installées en République Démocratique du Congo.
Est puni d’une peine d’amende de 50.000.000 à 150.000.000 de francs congolais, tout entrepreneur principal qui sous-traite avec une entreprise en violation de l’article 6 de la présente loi. En outre, une mesure administrative de fermeture momentanée de l’entreprise est prise, selon le cas, par les Ministres ayant l’Economie, l’Industrie et les Petites et Moyennes Entreprises dans leurs attributions, le Gouverneur de province ou l’autorité administrative locale pour une durée ne dépassant pas six mois. Est nul de plein droit, tout contrat de sous-traitance conclu en violation de l’article 6 de la présente loi.
Est punie d’une peine d’amende de 10.000.000 à 50.000.000 de francs congolais, toute partie à un contrat de sous-traitance en violation de l’article 23, alinéa 2 de la présente loi.
Est puni des peines prévues pour le détournement de main-d’œuvre, l’entrepreneur principal ou le maître d’ouvrage qui viole les dispositions de l’article 24 de la présente loi.
Dans les douze mois de l’entrée en vigueur de la présente loi, les entreprises étrangères titulaires des contrats de sous-traitance se constituent en sociétés de droit congolais aux fins de mener à terme l’exécution desdits contrats. Endéans le même délai, les entreprises de droit congolais ayant des contrats de sous-traitance en cours de validité conforment ceux-ci aux dispositions de la présente loi.
Sont abrogées toutes les dispositions antérieures contraires à la présente loi.
La présente loi entre en vigueur trente jours après sa publication au Journal officiel. Fait à Kinshasa, le 08 février 2017 Joseph KABILA KABANGE